Le croyant n'accède à cette certitude de la connaissance qu'après s'être extrait de son égoïté pour se rapprocher de l'Etre divin. C'est à cela que fait allusion à cette parole prophétique : << Mourrez avant de mourir ». La première mort est l'extinction enlâ illâha illal-lâh (l'extinction en l'Etre) (fanâ-u) et la deuxième, la mort physique. Il est fait mention de ce rapprochement dans une très sainte tradition (hadith qudsî) : « Ceux qui se rapprochent de Moi n'ont jamais mieux fait qu'en accomplissant ce que j'ai prescrit pour eux. Et le serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi en multipliant les œuvres surérogatoires jusqu'à ce que je l'aime. Et lorsque Je l'aime, Je suis son ouïe, sa vue, sa main et son soutien.
Le croyant n'accède à cette certitude de la connaissance qu'après s'être extrait de son égoïté pour se rapprocher de l'Etre divin. C'est à cela que fait allusion à cette parole prophétique : << Mourrez avant de mourir ». La première mort est l'extinction enlâ illâha illal-lâh (l'extinction en l'Etre) (fanâ-u) et la deuxième, la mort physique. Il est fait mention de ce rapprochement dans une très sainte tradition (hadith qudsî) : « Ceux qui se rapprochent de Moi n'ont jamais mieux fait qu'en accomplissant ce que j'ai prescrit pour eux. Et le serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi en multipliant les œuvres surérogatoires jusqu'à ce que je l'aime. Et lorsque Je l'aime, Je suis son ouïe, sa vue, sa main et son soutien. Par Moi il entend, par Moi il voit et par Moi il saisit. » Il se produit ainsi l'extinction (fanâ-u) en l'Essence divine (az-zâtu). A l'extinction succède la surexistence (baqâ-u) en Muhammadu rassûlulâhi (sas) : C'est la surexistence en les Attributs divins (as-sifât). Cette surexistence est aussi contemplation de l'Unité dans la multitude des formes (wâhidiyyatu), dans la vision même de l'Unité. Cette expérience se réalise, le Maître place le disciple dans la perspective : « iyâka na 'budu, waiyâka nasta înu ». La première partie de ce verset est le lot du commun des musulmans (al-*âm) et la seconde, un privilège accordé à l'élite (al-khâsu). Au terme de son cheminenement l’individu n’aura de cesse de faire un parcours incessant entre ces trois stations. NAISSANCE DE LA FORME ACTUELLE DU SOUFISME : Du temps du Prophète (SAS), le soufisme était une réalité sans nom, comme le succéda la grammaire ainsi que d'autres sciences connexes au Coran Du temps du Prophète (SAS), sa présence et sa proximité imposaient aux compagnons une façon d' être et de faire entièrement auréolée de lumière. Il y avait une intensité et une densité de vie spirituelle de ses compagnons qui lui avaient fait une allégeance sincère et franche, au point que chacun d'eux pouvait être considéré comme un rameau de sainteté. Après la disparition du Prophète (SAS) et l'éloignement de son époque, la spiritualité baissa en intensité et la mondanité gagna de plus en plus le cours qu'elle finit par emprisonner dans ses rets. L'atmosphère terrestre s'est durcie, et la spiritualité est devenue beaucoup plus une exception qu'une règle de vie. A ce propos, Anas (un des nobles compagnons du Prophète saws) dit que lors de l'entrée du Prophète (SAS) à Médine, la ville s'illumine. A sa mort, la lumière fit place aux ténèbres et à l'angoisse, car il était une lumière pour eux et le vivificateur de leur cœur. Les dépositaires de cette spiritualité qui purent se préserver et se maintenir dans les vents violents qui menacèrent les valeurs reçues, constatant l'indifférence du grand nombre et voyant l'obscurcissement du ciel de leur époque, l'enseignement direct délivré par le Prophète (SAS) aux Compagnons et reproduit dans la relation maître/disciple. Du temps du Prophète (SAS), le soufisme était une réalité sans nom, comme le fut la grammaire ainsi que d'autres sciences connexes au Coran. L'émergence d'un concept nouveau peut supposer la nouveauté de ce qu'il désigne, surtout dans un contexte où la mémoire de la plupart des contemporains s'est embrumée du fait des vicissitudes du temps. Dans le cas du soufisme, l'excellence de certains, leur distinction par rapport au commun sur beaucoup d'aspects de leur vie, leur non-conformité à l'air du temps, leur enracinement profond dans la religion, leurs qualités qui témoignaient d 'une noblesse d'âme et qui était pour certaines l'expression d'une rigueur extrême, firent croire à une époque située à la périphérie de la spiritualité et quelquefois à ses antipodes, en l'apparition d' un phénomène nouveau. Ces hommes qui ont voulu être l'incarnation même de la vérité ont été désignés par divers vocables dont le plus fréquent est le mot << sûfi >>, et ce qu'ils vivaient, le << taçawwuf >> (soufisme). INITIATION AU SOUFISME : Le précieux al-ahdary fort particulièrement en milieu malékite mentionne que « le premier devoir du musulman mâjeur est d'authentifier sa foi. » Cette authentification est l'apposition du cachet divin dans le cœur du croyant, la conscience permanente d'Allah. Une très sainte Tradition (hadith qudsi) énonce : « Je n'ai créé les hommes et les djinns que pour qu'ils m'adorent. >> D'après Ibn Abbas -un brillant exégète du Coran du vivant du Prophète (SAS), qu'Allah l'agrée- << pour qu'ils m'adorent » signifie « pour qu'ils me connaissent. » La connaissance d'Allah précède son adoration : << Connaissez-Moi avant de m'adorer, car si vous ne Me connaissez pas comment pourriez-vous m'adorer ? » Cette connaissance est le Tawhid qui fait périr tout autre qu' Certains « sûfi » et savants musulmans, fort réputés, comme l'Imam Ghazâlî et l'Imam Sanûsî ont imposé sa pratique comme un devoir incombant à chaque individu. Car si le soufisme oriente vers Allah et fixe à LUI, s'il purifie le caractère et extirpe de l'associationnisme ; s'il inculque un amour d'Allah, l'observance de ses recommandations et l'éloignement de ses interdits, sa pratique ne peut être qu'obligatoire. Dans beaucoup de passages du Coran, Allah nous enjoint de trouver le moyen d'accès à Lui. Dans le verset 35 de la sourate 5, II dit : « O vous qui croyez, craignez Allah et trouvez un wasîla (moyen d'accès à Dieu). Endurez dans ce sentier peut-être atteindrez-vous la félicité. >> Cheikh Ahmad Tijaan (RA) explique la « wasîla » comme étant : - L'imitation du Prophète (SAS) dans ses paroles et ses actes. Le Coran dit : « Si vous aimez Allah, suivez-moi (le Prophète), Allah vous aimera. » Allah dit dans cette très sainte tradition :<<< Si je l'aime, Je le deviens. » Ceci est la porte de la connaissance d'Allah. - Le compagnonnage avec celui qui connaît par Allah qui est arrivé à Lui : « < Suis le chemin de qui est arrivé à MOI. » – L'attachement à l'invocation. Dieu recommande ceci dans le Coran : «< Fais preuve de patience (en restant) avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant exclusivement sa Face. » L'invocation efficace est celle obtenue auprès d'un guide parfait. Dans le verset 50 de la sourate 51, il est mentionné : << Fuyez vers Allah. » Le Cheikh-al Islam El Hadj Ibrahima Niass (RA) explique que fuir vers Allah, c'est se rendre auprès de celui qui Le connaît pour s'initier sous son contrôle. L'initiation doit se faire auprès d'une compétence avérée afin d'éviter les influences psychiques négatives, et d'avancer méthodiquement et efficacement dans la voie. Cette initiation remonte du temps du Prophète (SAS), et beaucoup de traditions corroborent ce propos. Le Prophète (SAS) dit un jour à un groupe de compagnons en présence Il se dit : « Y at-il un étranger parmi vous ? » Non, Envoyé d'Allah répondirent-ils. Il demanda alors qu'on fermât la porte et leur dit : << Levez les mains et répétez : Lâ ilâha illal-lâh. » Shaddâd Ibn Aws raconte : « Nous tînmes donc nos mains levées pendant une heure en disant : « Lâ ilâha illal-lâh. » Le Prophète (SAS) dit alors : « O Mon Dieu, tu m'as envoyé avec cette parole, moi l'as recommandé, m'as promis le paradis en échange ; et en vérité Tu ne faillis jamais à Ta promesse ! Puis II terminé << Réjouissez-vous, car Allah vous a pardonné ! » Une autre tradition est rapportée par l'Imam Ali (que Dieu ennoblisse sa face). Le sens est : « Je demande à l'Envoyé de Dieu de m'indiquer le plus court chemin pour arriver à Dieu, le plus facile pour les serviteurs et le plus excellent aux yeux d'Allah. » - << O Ali, invoque perpétuellement Allah, à haute voix comme à voix basse », lui a-t-il répondu. << Tout le monde invoqué ! Ce que je souhaite, c'est que tu m'indiques à moi une invocation spéciale », insista Ali. L'Envoyé réplique alors : << Ali ! La meilleure chose que nous ayons dite, les prophètes qui m'ont présenté et Moi-même, c'est lâ ilâha illal-lâh. Si les sept cieux et les sept terres se résumaient sur l'un des plateaux d'une balance et lâ ilâha illal-lâh sur l'autre, c'est de ce côté-ci qu'elle préférait. O Ali, ajouta-t-II, l'heure ne viendra pas tant qu'il y aura quelqu'un sur cette terre pour dire : << Allah, Allah ! » Ali demanda encore : << Comment dois-je invoquer, ô Envoyé d'Allah ? » - << Ferme les yeux », lui répondit l'Envoyé, « et écoute-Moi dire : « Lâ ilâha illal-lâh » trois fois ; dis ensuite toi-même : « lâ ilâha illal-lâh » trois fois pendant que je t'écoute. >> Ces traditions sont suggestives, car elles montrent que l'initiation se pratique à l'insu du commun, la nécessité d'un maître et d'une méthode. Dans nos conditions actuelles, le rattachement à une organisation traditionnelle régulière, dépositaire d'une influence spirituelle et ayant qualité pour conférer l'initiation est une condition nécessaire. Il s'agit proprement de la transmission d'une influence spirituelle qui doit s'effectuer selon des lois définies faute de quoi, le résultat visé ne pourrait être atteint. Cela implique donc un contact réel. Il est dès lors facile de comprendre l'importance capitale de la chaîne initiatique, c'est-à-dire, une succession assurant d'une façon ininterrompue la transmission dont il s'agit. En dehors de cette succession, l' essentiel à leur efficacité. Ceci s'applique de façon identique aux rites religieux que ne peut accomplir le non-musulman s'il ne reçoit << l'ordination » nécessaire qui l'introduit dans cette religion et qui est porteuse de l'influence spirituelle. L'initiation consiste à suivre une voie, à réaliser un plan et à disposer l'impétrant à prendre l'attitude mentale et intellectuelle nécessaire pour parvenir à une compréhension efficace et non pas simplement théorique. Il est assisté et guidé en vue du contrôle de son travail. C'est cela le rôle du maître à qui il fait allégeance. La tradition « sûfî » du pacte et de l'enseignement de maître à disciple remonte à ce verset : « Ceux qui te prêtent allégeance, prêtent en vérité allégeance à Allah, La Main d' Allah est au-dessus de leurs mains. » (48,10) Le maître doit connaître la voie qui mène à Allah, et prémunir le disciple contre tout ce qui pourrait induire la perdition. Personne ne peut se passer de maître, celui qui s'impose par la situation d'exil dans laquelle se trouve l'homme ici-bas. Il fut demandé à Cheikh Ahmad Tijan (RA) si la recherche d'un guide est une obligation pour tous ou si elle n'incombe qu'à une portion d'individus. Il a répondu en citant Sidy al-Mukhtar al-Kunti : « La quintessence du wird est la détermination et l'engagement de l'individu envers Allah par le biais du guide. Quiconque respecte le guide ainsi que la détermination et l'engagement vis-à-vis de lui jouira des bienfaits des deux mondes. Celui qui dénie le guide et passe outre sa détermination et l'engagement vis-à-vis de lui verra la barque de sa religion se briser contre les écueils de la perdition. » Le Prophète (SAS) a dit : « Célébrez la grandeur des Cheikh (guides), car, ce faisant, vous célébrant la grandeur d'Allah. » Ces maîtres qui sont des savants par Allah sont décrits par ce hadith : Les savants sont les légataires des Prophètes. » Le maître est plus qu'une individualité, il est le représentant de la tradition même qu'il incarne. Du point de vue historique, la chaîne de transmission part du Prophète (SAS) qui a initié l'Imam Ali. A partir de ce dernier, la chaîne se structure comme suit : Imam Ali Hassane al-Basrî Habîbul-'Ajamîy — Dâûda Tâ-î — Ma 'rûful-Karkhî — as-Siriyyi — Junayd. A partir de Junay rayonnèrent plusieurs chaînes et s'amplifièrent le soufisme. LA METHODE SOUFIE : Le maître instruit par des formules d'invocation à réciter selon des indications précises. Cet enseignement qui est opératif et non spéculatif est la base et le support du travail personnel. Cet enseignement est une aide au travail intérieur de réalisation initiatique. Le rite d'invocation joue un rôle primordial. C'est un véhicule de l'influence spirituelle et un support à la méditation puisqu'il exprime des vérités de l'ordre initiatique. Le maître ne communique pas la connaissance d'une façon comparable à celle du professeur dans l'enseignement profane, et qui communique des formules livresques aux élèves qu'ils n'auront qu'à emmagasiner dans leur mémoire. Il s'agit ici de quelque chose d'incommunicable dans son essence puisque ce sont des états à réaliser intérieurement. L'invocation est la pierre angulaire de la méthode. Son importance est rapportée par beaucoup de versets coraniques et de traditions prophétiques. Allah dit dans le Coran << souvenez-vous de Moi, Je me souviendrai de vous. » Le hadith suivant est rapporté par Ibn 'Umar (RA) : « Celui qui déclame lâ ilâha illal-lâh en l'actualisant, Allah l'installe dans la demeure de la Majesté et lui accorde la vision de sa Face. » D'après le Prophète (SAS) « le cœur rouille comme le fer; l'invocation (zikr) l'en débarrasse, à l'image du feu par rapport au fer. ». Voici une autre de ses paroles : << lorsque des gens se rassemblent pour invoquer Allah, uniquement mus par le désir de sa Face, un héraut du ciel leur cri alors vous voilà pardonnés ! Vos mauvaises actions ont été transformées en bonnes œuvres. » Et encore : << Invoquer Allah en compagnie d'un groupe de gens, de la prière de l'aube jusqu'au lever du soleil, m'est préférable à ce bas monde et à tout ce qu'il contient. Invoquer Allah en compagnie d'un groupe de gens de la prière de l'après-midi ('asr) jusqu'au coucher du soleil, m'est préférable à ce bas monde et à tout ce qu'il contient. » Aussi : << Le butin des assemblées du souvenir d'Allah, c'est le paradis. >> L'invocation procure de plus, une quiétude, une sérénité d'une intensité et d'une profondeur inégalées : « N'est-ce pas par l'invocation d'Allah que les cœurs s'apaisent ? » mentionne le Coran. Car l'invocation place l'invocant dans une perspective où la vie prend un aspect plus frais, et déplace le regard intérieur de l'humain vers le divin. Ainsi dès la vie terrestre, il est offert à l'homme la possibilité de vivre le paradis, celui de la contemplation divine qui est le paradis le plus sublime. La persistance dans le souvenir dissipe les voiles et rend perçante la vue. « Nous avons ôté ton voile et voilà que ta vue est perçante aujourd'hui » (50, 22). Il se produit un dévoilement de l'organe de la connaissance théosophique qui est l'intuition intérieure qui fait accéder à la science cachée. Celle-ci se classe parmi les trois que le Prophète (SAW) rapporta lors de son ascension nocturne. Elle est acquise par le croyant lors de son ascension dans le ciel de la proximité divine. De cette science, le Prophète a dit : « < la science est comme un secret préservé, seuls les savants par Allah la connaissent ; et lorsqu'ils en parlent, ceux qui méconnaissent Allah les blâment. » Il a également affirmé : « La science intérieure est l'un des secrets d'Allah et dépend de sa décision : Il choisit librement les cœurs conférés à II la confie. » Et encore : << Il y a deux sciences : l'une pour le cœur, et elle est la science utile ; l'autre pour la langue : c'est l'argument qu'Allah opposera à l'homme. >> Cette science n'est pas de celles qui sont connues. Abû Hurayra (ra) a dit : << j'ai appris du Prophète deux types de science : l'une, je vous l'ai transmise ; mais quant à l'autre, si je le faisais, vous me trancheriez la gorge. » Un autre compagnon bien guidé Salmân al-fârisî (ra) a dit : « Si je racontais tout ce que je sais, vous diriez : Qu'Allah fasse miséricorde à l'assassin de Salmân. » Il a été rapporté ceci de l'Imam Ali (ra) : <<ô quelle précieuse connaissance je détiens ! Si j'en divulguais une portion, Sur dira : Tu fais partie des idolâtres ! Les hiérarques parmi les musulmans rendront licite mon sang versé ! Et cette phrase exécutée serait sans commune mesure avec le mal qu'ils me souhaitent >> Cette science qui est l'apanage du soufisme est l'intérieur du coran. Selon le Prophète (SAS) << Chaque verset du Coran a un sens extérieur (zâhir) et un sens intérieur (bâtin)... Le niveau de sens intérieur varie de sept à soixante-dix. >> Cette science est aussi la connaissance de Dieu rendue possible par la connaissance de soi. Le Prophète (SAS) a dit : « Celui qui se connaît, connaît son Seigneur ». Cette connaissance d'Allah justifie la création telle que l'exprime cette tradition sanctissime (hadith qudsî) : « j'étais un trésor caché, Je voulais être connu ; alors Je créai l'Univers. » Cette exigence impérieuse de connaissance d'Allah apparaît dans une autre tradition sanctissime (hadith qudsî) : « Connaissez-moi avant de m'adorer, car si vous ne me connaissez pas comment pourriez-vous m'adorer ? » Allah dit dans le Coran : « Je n'ai créé les hommes et les djiins que pour qu'ils m'adorent. » (51,56) Ibn Abbass explique que pour qu'ils m'adorent signifient pour qu'ils me connaissent. Cette connaissance de Dieu est plus qu'une connaissance théorique ? C'est un savoir expérientiel où Allah se révèle comme sujet absolu parce qu'en vérité et en son essence, Il ne peut jamais être un objet ; un objet sur lequel un philosophe, un théologien et autres délibèreraient. Cette connaissance est une métamorphose intérieure qui consiste à franchiser la distance qui sépare la connaissance théorique et la certitude de la connaissance personnelle réalisée et vécue : C'est cela l'accès à Allah à la réalisation associée à toute réalité supposée autre que Lui périt, conformément à ce verset : << tout périra sauf Sa Face. » (88,28) La création devient ipso facto spirituellement transparente au point que celui qui réalise cette certitude perçoit Allah où qu'il se tourne. Le Coran l'affirme en ces termes : << Où que vous vous tourniez, est la Face d'Allah. >> (2 115) LA PLACE DU SOUFISME DANS L’ISLAM : L'Islam présente trois dimensions d'après l'enseignement prophétique. Elles correspondent à la triade ISLÂM-ÎMÂN-IHSÂN. L'Islam est la loi qui édicte tout ce que le croyant doit faire ; l'Imân indique ce qu'il faut croire et l'ihsân est notre adhésion totale à la vérité et notre conformité totale à la loi. L'Ihsân est le bien croire et le bien faire, leur quintessence et débouche sur la vérité essentielle. Il existe par conséquent trois voies de connaissance qui font accéder à la triade précitée La CHARIA à l'ISLÂM, le TAWHÎD à l'ÎMÂN et le SOUFISME à l'IHSÂN. Le Cheikh Zarûq dit : « Le soufisme est pour la religion ce qu'est l'esprit (rûhu) pour le corps. » Le soufisme n'est pas une introduction tardive dans l'Islam d'éléments empruntés ailleurs, ni un rite additionnel et blâmable. Le soufisme qui s'affirme comme la raison d'être même de l'Islam ne saurait contrevenir à Dieu qui dit : « Aujourd'hui, j'ai parachevé pour vous votre religion. » (5, 3) Le soufisme est le droit chemin, la voie du pardon divin, le souvenir d'Allah et l'orientation exclusive vers Lui. C'est l'embellissement du caractère et l'extraction du pire des péchés : celui de l'associationnisme qui est d'une étonnante subtilité, puisqu'il s'associe à notre égoïste. Sa subtilité est telle que le Prophète (SAS) dit de lui que c'est une fourmi se développe sur une pierre noire dans l'obscurité de la nuit. Détecter une telle fourmi ne peut que relever du don. Le soufisme est la tradition du Prophète (SAS). Cette tradition désigne sa voie telle qu'elle se manifeste dans ses paroles, ses actes et ses états. Sa parole était sagesse et son silence, réflexion. Le voir était en soi un enseignement, et ses actes n'étaient que pure obéissance à Dieu. Quant à son état spirituel, c'était la présence d'Allah en toute circonstance. Aïcha (que Dieu l'agrée) disait qu'il invoquerait Allah tout le temps. << Il demeurait en compagnie de son Seigneur qui le nourrissait et l'abreuvait. >> (26,79) Ces états ne s'acquièrent que par la fréquentation des gens qu'il nous a ainsi décrit : «< Fréquentez celui dont la vue vous rappelle Allah, dont les paroles enrichissent votre science et dont les actes vous font désirer l'autre monde. Même si l'on concède à certains que le soufisme est une innovation, toute innovation n'est pas blâmable. Le Prophète (sas) a dit : « Quiconque instaure une bonne tradition (sunna) en sera rétribué et le sera pour ceux qui l'imiteront dans cette pratique. >> Les prières en commun dans les mosquées pendant les nuits du Ramadan (tarâwîh) sont une innovation du Calife Umar (RA). La compilation du Coran en livre, sa voyellisation, sa division en hizib. sont aussi des innovations ; de même les cinq statuts légaux que sont l'obligatoire (fard), le recommandé (sunna), le permis (mubâh), le déconseillé (makrûh) et l'interdit (harâm). Certains savants procèdent à une classification d'où se dégage la notion d'innovation obligatoire : c'est ce qui est nécessaire pour accomplir un acte obligatoire. La grammaire fait partie de cette innovation, de même que la rhétorique, la logique, la prosodie, la critique, la lexicologie. D'autre part, l'iijtihâd (l'effort d'interprétation que fait le mujtahid) est une donnée fondamentale dans l'Islâm. Le Prophète (SAS) a énoncé ce propos qui prouve que l'ijtihad fait partie de la Sunna : « Vous devez suivre ma tradition et la tradition des califes bien guidés. » (Ce sont Abû Bakr, Umar, Uthman, et Alî) Les fondateurs des voies soufies sont des mujtahid et leur ijtihâd porte sur l'lhsân. Ils sont similaires à l'Imam Mâlik et aux autres fondateurs d'écoles juridiques dans le domaine de l'Islâm, et à Ash'âri dans le domaine de l'Imân. La religion étant constituée de la trilogie ISLÂM-ÎMÂN-IHSÂN, il est logique et conforme à la vérité que si l'ijtihâd et les mujtahid sont admis dans les domaines ISLÂM et ÎMÂN, celui de l'IHSÂN ne saurait être en reste. En réalité, ce que font les soufis tient de la révélation. En conclusion, le soufisme est le chemin qui mène à l'IHSÂN. Il permet la connaissance unitive de l'Essence divine, de Ses Attributs, de Ses Noms et de Ses Actes. Le soufisme est la naissance et la vivification en l'homme de qualités et vertus qui le présentent à une noble et incommensurable destinée intelligente. C'est la conduite parfaite, la voie droite, le caractère vertueux et la pacification des cours. Il est vie auprès du Seigneur, et prise de conscience que ce qu'il y a de meilleur dans ce monde est un cœur tout entier rempli du souvenir d'Allah. Le soufisme est fortement ancré dans le Coran et la tradition (sunna) du Prophète (sas). Il ne constitue ni un rite additionnel, ni une introduction tardive dans l'Islam. Vu sous cet angle, le Soufisme ne s'identifie-t-il pas à l'essence même de la Révélation ? Sa place dans l'Islam n' est-elle pas centrale et prépondérante ? Ne se présente-t-il pas sous ce rapport comme une nécessité dans l'Islam ?