Du temps du Prophète (SAS), le soufisme était une réalité sans nom, comme le furent la grammaire ainsi que d'autres sciences connexes au Coran
Du temps du Prophète (SAS), sa présence et sa proximité imposaient aux compagnons une façon d'être et de faire entièrement auréolée de lumière. Il y avait une intensité et une densité de vie spirituelle de ses compagnons qui lui avaient fait une sincère et franche allégeance, au point que chacun d'eux pouvait être considéré comme un rameau de sainteté.
Après la disparition du Prophète (SAS) et l'éloignement de son époque, la spiritualité baissa en intensité et la mondanité gagna de plus en plus les cours qu'elle finit par emprisonner dans ses rets. L'atmosphère terrestre se durcit, et la spiritualité devint beaucoup plus une exception qu'une règle de vie. A ce propos, Anas (un des nobles compagnons du Prophète saws) dit que lors de l'entrée du Prophète (SAS) à Médine, la ville s'illumina. A sa mort, la lumière fit place aux ténèbres et à l'angoisse, car il était une lumière pour eux et le vivificateur de leur cœur. Les dépositaires de cette spiritualité qui purent se préserver et se maintenir dans les vents violents qui menacèrent les valeurs reçues, constatant l'indifférence du grand nombre et voyant l'obscurcissement du ciel de leur époque, organisèrent des cadres où se perpétua l'enseignement direct délivré par le Prophète (SAS) aux Compagnons et reproduit dans la relation maître/disciple.
Du temps du Prophète (SAS), le soufisme était une réalité sans nom, comme le furent la grammaire ainsi que d'autres sciences connexes au Coran. L'émergence d'un concept nouveau peut supposer la nouveauté de ce qu'il désigne, surtout dans un contexte où la mémoire de la plupart des contemporains s'est embrumée du fait des vicissitudes du temps. Dans le cas du soufisme, l'excellence de certains, leur distinction par rapport au commun sur beaucoup d'aspects de leur vie, leur non-conformité à l'air du temps, leur enracinement profond dans la religion, leurs qualités qui témoignaient d'une noblesse d'âme et qui était pour certaines l'expression d'une rigueur extrême, firent croire à une époque située à la périphérie de la spiritualité et quelquefois à ses antipodes, en l'apparition d'un phénomène nouveau. Ces hommes qui voulurent être l'incarnation même de la vérité furent désignés par divers vocables dont le plus fréquent est le mot « sûfi », et ce qu'ils vivaient, le « taçawwuf » (soufisme).